Mon grand-père paternel s’appelait Jacob Finkielsztejn. Il est né le 15/11/1895 en Pologne à Varsovie au n°32/14 Praga, peut être ulica (rue) Folwarczna. J'ai un extrait de son certificat de naissance traduit du polonais en 1932. Il a grandi dans le quartier Praga-Szmulowizna au n°8 ulica Folwarczna jusqu'en 1910, puis au n°35 ulica Zabkowska jusqu'en 1912, date de son départ vers la France. Praga est un ensemble d'anciens quartiers de Varsovie situé au nord-est du fleuve la Vistule. De 1909 à 1912, Jacob a fait son apprentissage de chapelier chez Mr Zuberman au n°1 ulica Dzika dans la vieille ville.

La famille de Jacob aurait fuit les pogroms de Russie et se serait installée en Pologne, mais je n’ai pas plus de détails pour l’instant. Il est possible que les souvenirs relataient les pogroms en Pologne, alors occupée par les russes. Son père s’appelait Moszek Finkielsztejn, né en Pologne et chapelier de profession. Sa mère s’appelait Golda Guterman, née à Varsovie et sa grand-mère probablement Dwojny Guterman. Moszek, parfois surnommé Gerchin, aurait eu un frère vivant en France jusqu’en 1942 rue des rosiers Paris IVe. C'était peut être au n° 27 où Jacob habitera plus tard, d'avril 1923 à décembre 1924.

Jacob avait aussi un frère né le 31/10/1898 à Varsovie, Isaac Finkielsztajn, arrivé à Paris vers 1925 et de profession maroquinier. Isaac a épousé Malka Szpajzmann, née le 22/12/1899 à Varsovie. Le 23/12/1929, ils ont eu une fille Hélène Finkielsztajn, qui plus tard épousera Marcel Senderowicz. La famille habitait rue du corbeau Paris Xe. Afin d'obtenir plus de détails, je demande en août 2016 aux archives nationales le dossier de naturalisation de mon grand-oncle Isaac, comme je l'avais déja fait pour Jacob. Le site de Rézé me répond d'abord: naturalisation par décret du 28 avril 1950 dossier n° 1949X010153. Puis Fontainebleau me transmet la côte des cartons: 19790852/160. Il ne me restait plus qu'à demander la reproduction du dossier, malheureusement ce site va déménager à Pierrefitte et les documents seront inaccessibles durant quatre ans ! Entre-temps, Legifrance m'envoie l'extrait du Journal Officiel du 14 mai 1950 où figure page 5307 la naturalisation d'Isaac et de Malka par décret n° 10153x49-75.


                   

Je ne sais pas dans quelles conditions Jacob a quitté la Pologne. Il est arrivé à Paris le 1er juillet 1912 à 16 ans. Le 22 juillet, il se présente à la préfecture de police pour s'inscrire au registre d’immatriculation des étrangers, conformément à la loi du 8 août 1893. Selon cet extrait, la déclaration est basée sur son acte de naissance, acte que je n'ai pas retrouvé, elle contient des erreurs dans les noms et indique la nationalité russe. Ors à l'époque la Pologne était encore occupée par la Russie et les registres d'état-civil, registres séparés pour les juifs, étaient tenus en langue russe. Au début, Jacob habitait au 13 rue de Sévigné Paris IVe et a commencé à travailler pour la fabrique de chapeaux Winter-Stock-Privés 6 rue du parc royal Paris IIIe, ceci jusqu'en 1918. Puis pendant la première guerre mondiale, il fut employé comme terrassier au camp retranché de Paris de 1914 à 1915.

Ses employeurs successifs furent : Mrs Simon & Kaplan chapeliers 17 rue du cigne Paris de 1918 à 1923, Mr Himelfarb fabricant de chapeaux 60 rue vieille du temple Paris IIIe de 1923 à 1927, la maison Feldman & Solinski 20 rue sainte-croix de la bretonnerie Paris IVe de 1927 à 1936, enfin la maison Norbert 71 rue Charlot Paris IIIe jusqu'à sa son arrestation en 1941. Des photos le montrent avec les autres ouvriers d'un atelier, vers les années 1930 (il est à droite). Jacob était probablement membre du syndicat des casquettiers, syndicat très actif dans le mouvement ouvrier juif du début du XXe siècle (vérifier les listes d’adhérents dans les archives). Papa se souvenait très bien de son père partant manifester pour Léon Blum, avant la seconde guerre mondiale.







Avec sa première compagne Esther Foukse ou peut être Estera Fuks, Jacob a eu deux enfants. D'abord Henry Finkelstein né le 25/01/1917, probablement hors mariage. Puis Charles Finkelstein né le 17/07/1919, tous deux à Paris XIe. Mais suite à une erreur d'état-civil, Henry a été enregistré par erreur sous le nom Fankestin. A défaut du père, c'est la sage-femme qui a présenté et déclaré l'enfant, mais celle-ci s'est trompée dans les noms de famille de Jacob et d'Esther. A la naissance de Charles, Jacob et Esther étaient déjà mariés et habitaient au 2 bis impasse Marcès Paris XIe. Ils ont vécu ensemble de 1916 à 1923. Elle travaillait comme fourreuse. Pas plus de détails sur cette période, l'acte de mariage semble introuvable... Esther serait décédée entre les années 1923 et 1927 au plus tard.


                           

Henry Fankestin (l'erreur d'état-civil sera maintenue) s'était engagé volontaire pour trois ans le 27/02/1935 au 9e régiment de cuirassiers à Lyon. Muté au 19e dragons à Dinan, il fut libéré le 27/03/1938. Puis Henry fut mobilisé le 26/08/1939, toujours au 19e dragons à Dinan. Il participa aux opérations de Belgique et à toute la retraite avant d'être démobilisé le 22/08/1940 à Narbonne. Il habita ensuite 11 rue saint-bon Paris IVe et travailla de janvier 1941 à 1943 comme ouvrier fourreur, pour un salaire mensuel de 4000 francs, chez Mr Peyren 51 rue des petites écuries à Paris.

En 1937, Charles quitte l'appartement familial pour habiter 3 place des vosges, puis 137 rue du château des rentiers à Paris XIIIe. Il passe la visite médicale militaire le 09/11/1937. De constitution robuste et en bonne santé, il est jugé apte au service armé. En novembre 1938, Charles s'engage par devancement d'appel pour trois ans dans l'armée de l'air. Il est affecté au bataillon aérien.127 sur le camp d'Avord dans le Cher, comme mécanicien. Il a participé à une partie des hostilités sur le front français, puis courant 1940, il a rejoint la base aérienne de Casablanca - Carzes au maroc. Démobilisé en février 1941 (voir le détail de ses affectations). Arrêté par la police française en juillet 1942, il sera déporté à Auschwitz, puis assassiné à 23 ans par les nazis, en novembre 1942. Décoré à titre posthume de la médaille commémorative de la guerre 1939-1945, barette France.







Ma grand-mère s’appelait Rywka Oberberg, elle est née le 18/08/1893 à Varsovie. L'extrait de son acte de naissance, traduit en 1932 du russe et du polonais, indique les 6/18 aout 1893, selon les calendriers julien/grégorien. Ses parents étaient Hersz Wolf Oberberg né vers 1861 à Varsovie, de profession ébéniste, et Szajndla Morgensztern (Morjensztejn ?) née vers 1866 à Varsovie. On lit parfois Gersz car c'est le même prénom que Hersz, l'alphabet cyrillic du russe utilisant la même lettre Г pour transcrire le H ou le G de l'alphabet latin. D'après le dossier de naturalisation, les parents de Rywka étaient déjà décédés à Varsovie avant 1936 (pas indiqué pour les parents de Jacob). Ors en novembre 2017, j'ai retrouvé dans un registre de décès l'acte n° 1085 concernant Szajndla. Une traductrice russophone m'a indiqué que Szajndla était enseignante à Varsovie, qu'elle serait décédée le 13/11/1901 à l'âge de trente cinq ans, laissant son mari Hersz Wolf Oberberg et cinq enfants. Szajndla était la fille de Moszek Morgensztern et de Mindla x.

Cela reste à confirmer, plus de détails dans une future page Russie-Pologne. En attendant voir l'état des recherches en cours. A cette occasion, j'aurais aussi retrouvé Menachem Szlama Oberberg l'oncle de Rywka, Abracham Oberberg (ou Abram) le grand-père de Rywka et Chaia Sima Szczyciner (ou Szczeciner) la grand-mère de Rywka. En attente des microfilms pour la confirmation.

Rywka a eu un enfant naturel en Pologne, Hersz Wolf Oberberg, qui portait donc les mêmes prénoms que son grand-père maternel. Hersz Wolf est né le 13/06/1919 à Varsovie au n° 34/1777 ulica Świętojerska, comme l'indique l'extrait d'acte de 1920 en polonais. Ultérieurement, ce quartier situé en bordure et à l'est du ghetto, sera rasé durant la seconde guerre mondiale. Mais j'ai quand même trouvé une photo prise en 1939 d'un immeuble qui pourrait correspondre. Ors ce bâtiment a une histoire particulière . La troisième partie des archives juives, encore appelées archives Ringelblum, y ont été cachées au sous-sol le 19 avril 1943 par l'Oyneg Shabbes. Ceci juste avant la destruction complète du ghetto de Varsovie. Malheureusement celles-ci n'ont pas été retrouvées et aujourd'hui les ruines de cet immeuble se trouvent sous les jardins de l'ambassade de chine (vidéo parcours du ghetto en 2015, ulica Swietojerska à 19'50"). Il reste quelques photos d’Hersz Wolf enfant, posant seul ou avec sa mère. L’une d’elles a été prise au studio Diana de Varsovie. Rywka est arrivée en France avec son fils en 1927. Ils seraient passés par l’Alsace ou la Lorraine, en y restant quelques temps (à confirmer) avant de rejoindre Paris.


                               

La fratrie des cinq enfants Oberberg comprenait une fille Rywka (ma grand-mère), deux garçons et deux autres enfants inconnus à ce jour. D'après les souvenirs familiaux, l'un d'entre eux était parti travailler comme clown à Moscou. J’avais aussi entendu parler de famille vivant à Kiev en Ukraine (côté Finkielsztejn ou Oberberg ?) mais sans témoignages précis. L'un des frères pose sur une photo avec sa femme, son fils Hershel et sa fille Esther. Au verso de cette photo figurent quelques mots en yiddish. L'autre frère s’appelait Adolf. Lui aussi a envoyé des photos à sa soeur Rywka et à Jacob, dont une avec son fils (à confirmer). Comme peut être aussi cette photo prise au studio Diana de Varsovie sur laquelle Adolf (à confirmer) pose avec sa femme et son fils aîné, âgé d'un à deux ans. Ainsi que d'autres photos prises vers 1930 et au dos desquelles les textes en yiddish sont empreints de mélancolie et de solitude.


                               

Ors j'ai découvert tardivement qu'Adolf était un acteur du théâtre yiddish. Serait il l'artiste de la famille parti à Moscou ? Il apparait dans le lexique du théâtre yiddish, traduit depuis "Leksikon fun yidishn teater" de Zalmen Zylbercweig. D'après un résumé de sa biographie d'acteur, il serait né en 1888. Sous réserve d'avoir bien retracé sa carrière , il aurait commencé en 1909 à Varsovie dans la troupe de Zina Rappel. Puis dans les troupes de théâtre d'Aba Kompaneyets, d'Esther Kaminska, dans la Solomon Genfer Company à Minsk, dans celle de Nakhum Lipovski. Enfin durant cinq ans dans la troupe de Clara Young, actrice connue à l'époque. Probablement dans les villes de Moscou, Kiev, Lodz, Vilnia (actuelle Lithuanie), Odessa (Ukraine). Une dernière photo de lui à Odessa en 1937 le montre avec l'Odessa State Jewish Theater (ODGOSET). En plus du polonais et du yiddish, Adolf devait maitrîser les langues russe et allemande. Mais sa vie d'artiste ne semble pas avoir été facile. Je ne sais pas où et quand il est mort. Reste aujourd'hui cette touchante photo de lui dans la troupe de Clara Young. C'est cette photo qui m'a permis de trouver ces informations (recherches en cours).


                           







Jacob a probablement connu ma grand-mère à Paris et de cette rencontre sont nés ma tante Eva Finkelstein le 13/12/1928 et mon père Maurice Finkelstein le 11/09/1930. La famille habitait dans un immeuble au 9 rue de la fontaine au roi Paris XIe depuis octobre 1928, pour un loyer annuel de 1250 francs régulièrement acquitté. Les enfants étaient scolarisés avenue Parmentier dans le XIe arrondissement. Le 13/07/1932, Eva et Maurice ont été naturalisés français par déclaration de leur mère Rywka devant le juge de paix du XIe. Déclaration enregistrée le 16/09/1932 sous n° 6187, dossier n° 28.629x32.

Jacob a reconnu Hersz Wolf comme enfant le 28/04/1934, ce dernier porte alors le nom Finkielsztejn. Comme pour Jacob et selon les actes d'état-civil ou documents officiels, le nom est parfois orthographié Finkelstein. Jacob et Rywka se sont d'abord mariés religieusement le 04/03/1928 à Paris. Puis ils se sont mariés civilement le 22/09/1934 à Paris XIe, avec pour témoins Simon Rudovitz (commerçant) et Paul Silberblatt (interprête). Quatre vingt deux ans après, j'ai finalement retrouvé la ketuba de mes grands-parents datant de mars 1928 (כתובה). Voir la traduction partielle de ce contrat de mariage religieux qui était remis à la mariée.


                       

Hersz a passé la visite médicale militaire le 02/03/1937 et a été jugé apte au service armée. Inscrit classe 1940, il n'a pas été appelé en raison de l'armistice signée par le gouvernement pétain en juin 1940. Apprenti tailleur pour 10 francs par jour, puis magasinier à la société française de confection, Hersz habitait avec les parents rue de la fontaine au roi. Quand à Jacob, il travaillait aux pièces pour un gain de 1200 francs par mois en 1936.

Jacob, Rywka et Hersz ont été naturalisés français par décret du 06/07/1939, décret paru au journal officiel n°166 du 16/07/1939. Cette naturalisation fut un véritable parcours du combattant. Pourtant, malgré deux fils engagés dans l'armée durant la guerre, malgré un père et des fils déportés, malgré de nombreuses enquêtes et rapports attestant de la bonne intégration de cette famille considérée, travailleuse, parlant français, le régime de vichy tentera de l'annuler dès 1941, via la commission de révision des naturalisations. Un avis de maintien sera finalement prononcé début 1944. Voir la chronologie détaillée du dossier 19.886x38.


                       

Arrêté par la police française le 20/08/1941 lors de la rafle Paris XIe (4232 juifs français et étrangers internés à Drancy), Hersz sera le premier à être déporté à Auschwitz, puis assassiné à 22 ans par les nazis en mai 1942. Jacob sera déporté en dernier et assassiné en janvier 1944 par les nazis à 48 ans. A partir de 1943, mon autre oncle Henry se serait caché jusqu'à la fin de la guerre. D'abord à Paris avec l'aide de sa future épouse Germaine, puis en zone libre, mais aucune information précise à ce sujet. Il aurait ensuite repris le nom Fankestin avant d'épouser Germaine Carroyer le 17/10/1964. Germaine fut auparavant la première épouse de Louis de Funès dont elle eu un fils, Daniel. Puis Henry et Germaine vécurent à Courbevoie. Henry est mort de maladie le 28/01/1984 à Paris. Mon père n’a eu que peu de contacts avec lui. Je crois qu’il reprochait à Henry de ne pas avoir aidé Rywka durant cette période, bien qu’il ait été le fils aîné et de loin le plus âgé.







Après guerre et probablement aussi pendant la guerre, Rywka a trouvé de l’aide auprès du «cercle amical de secours mutuel en France» ou Arbeter Ring (אַרבעטער־רינג). En effet, avec l'arrivée importante de juifs d'Europe centrale et de l'Est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, de nombreuses sociétés juives d'entraide ont vu le jour. Imprégniées par la culture du pays ou de la ville d'origine (Landsmanshaften), ces sociétés apportaient de l'aide financière pour les nécessiteux, aide pour la santé, assurance, assistance aux funérailles, caveau perpétuel, etc. A l'époque le cercle était situé 110 rue vieille-du-temple Paris IIIe. Aujourd’hui on trouve à cette adresse la maison de la culture Yiddish et la bibliothèque Medem. Le cercle amical, issu du Bund (Algemeyner Yidisher Arbeiter Bund fun Lite, Poyln un Rusland: Union Générale des Travailleurs juifs de Lituanie, Pologne et Russie), a déménagé au 52 rue René Boulanger Paris Xe. Il est devenu le Centre Medem-Arbeter Ring. J’ai conservé son dernier carnet d’adhérent n° 1797 datant de 1964, moitié en français moitié en yiddish.


               

Rywka a travaillé comme femme de ménage. Elle est morte de maladie le 16/12/1964 et a été inhumée à Bagneux dans le caveau du cercle amical (division 31 ligne 11 tombe 13). Eva a vécue avec sa mère jusqu’à son décès, elle comprenait bien le yiddish et le parlait un peu avec elle. Eva a continué à habiter Paris, rue de la fontaine au roi un certain temps, puis rue Rébéval. En 2006, elle a rejoint une maison de retraite près d’Aix-en-provence. Le 9 mars 2010, Eva s'est éteinte. Elle repose maitenant dans le caveau de famille au cimetière de la Bosque à Venelles (concession F23), avec son frère Maurice.