Ice Trail Tarentaise, j'ai vu des martiens !
Dans l'espace, personne ne vous entendra crier



       

Confirmation, les martiens ont bien un troisième œil. Bon d'accord, le reste de l'équipement n'est pas très réglementaire, mais eux ce sont des ovnis ! Plus de 56 millions de kilomètres de Mars à la Terre. Donc sur l'ITT à peine le temps pour eux de monter en température leur réacteur nucléaire qu'ils étaient déjà arrivés. Kilian Jornet en 7h35', Emilie Forsberg en 9h11'. Pour un simple terrien comme moi, il aura fallu deux fois plus de temps soit 15h26', mais que la terre est belle vue d'en haut...



Val d'Isère dimanche 14 juillet 2013 à 3h30 du matin, je retrouve mon ami Jacques Girardot, alias TTJack, dans le sas de départ, avec son père qui viendra nous encourager. Après quelques jours d'acclimatation à Tignes, je suis confiant et heureux d'être ici, tout en ayant une idée assez précise de ce qui nous attend. Un seul objectif: terminer. Avant course, j'ai quand même retiré de tout ça gants d'hiver, cagoule en soie et quelques gels. Après course, je constaterai que j'aurai pu m'alléger un peu plus (juste la bande élasto au lieu de la pharmacie, une frontale plus légère que la Nao car utile seulement 1h30, moins de gels énergétiques car j'en ai encore ramené, etc). Pour le reste, j'avais réellement ce que l'organisation exigeait pour la sécurité, même si on a eu de la chance avec le beau temps. Enfin bon elle ne l'a pas exigé pour tous au contrôle du sas, à moins que les soucoupes volantes passent par dessus...

C'est aussi une première pour ma caméra GoPro achetée une semaine avant (adieu maigres économies !). J'ai hésité à la prendre sur l'ITT sachant que j'aurai peut être autre chose à faire… Après quelques tests lors des recos, j'opterai pour le collier sur un bâton. Au début cela semble léger, mais après dix ou quinze heures de course on a "un peu du mal" à tendre le bras en l'air pour le recul. Et avec les gants, j'ai bugé pour le passage au sommet de la Grande Motte, heureusement Jack a filmé avec son téléphone. Restera après course à faire le montage vidéo, mais là je ne suis ni Spielberg ni TTNono, alors patience !


Distance 65 Km, dénivelé positif 5000m. Des sommets à 3653m et 3327m, des cols à 2576m, 2911m, 2976m, 3009m, un tunnel à 3000m. Une altitude moyenne de 2500m, on ne descendra pratiquement pas en dessous de 2500m d'altitude durant 50 Km, sauf à Charvet (2400m). Année exceptionnelle avec de la neige sur 60% du parcours. C'est la première édition de l'ITT qui passe par le sommet de la Grande Motte. Un départ à la frontale à 4h du matin pour une durée maximale de 15h45' de course et 4 barrières intermédiaires. 420 partants, 262 finishers, 158 abandons.




                       


Montée au sommet de la Grande Motte (3653m K19) - descente vers le col de Fresse (2576m K25) :

En grande partie déjà reconnue le lundi précédent (jusqu'à environ 3400m), je retrouve mes repaires avec le levé du jour. Passage à Tignes Val Claret devant l’appartement que j’ai loué pour l’occasion. Il est 5h39’ le jour se lève lorsqu'on attaque la Grande Motte et ses 1500m de dénivelé. Après la combe des Balmes, les premières centaines de mètres sur la neige damée des pistes sont magiques. Arrive le premier ravito au panoramique (3032m, arrivée du funiculaire souterrain). On croise la tête de course qui redescend, les premiers sont déjà passés, alors qu'il nous reste l'aller-retour sommet. Le temps de se ravitailler, puis on enchaîne avec les pistes que les premiers skieurs dévaleront peu avant qu'on arrive à la gare supérieur du téléphérique, sous la partie finale. On commence à doubler des coureurs pliés en deux sur leurs bâtons… Jack retrouve son paternel, il y a un contrôle horaire. C'est 8h03 du matin, soit un peu plus de 4 heures de course. On se dirige maintenant vers le sommet.

L'accès au sommet et sa descente sont dans la zone de sécurité, interdiction de doubler et de courir. Les guides et pisteurs ont réalisés un gros travail d'équipement et de surveillance, les mains courantes sont utiles dans les passages rocheux. Le corolaire, ce sera de gros embouteillages pour le peloton, mais sécurité d'abord. Ca y est, aucun doute on est en haute montagne, vue imprenable après 4h34' d’effort. Finisher pas encore, mais déjà Summiter !

Retour au panoramique en courant dans la descente des pistes. On retire les chaînes et on se découvre, il commence à faire chaud. Direction le col de Fresse par un sentier agréable et de moins en moins enneigé, histoire de récupérer de cette ascension.


                       


Col de Fresse – col de la Rocheure (2911m K37) - refuge des Fours (2500m K40) :

Un gros morceau car on passe par le col de la Rocheure. Il fait chaud, la neige porte de moins en moins mais c'est encore correct, juste un gros travail de proprioception au niveau chevilles et mollets. Un grand désert dans lequel Jack aura un coup de moins bien. Je l'ai attendu un peu puis on s'est perdu de vue, c'est très difficile de ne pas faire l'ITT à son rythme et j'ai senti que je ne devais pas trop m'arrêter. Déjà que j'essaye de filmer un peu avec la GoPro.

En arrivant au ravito du refuge des Fours à 13h35', il y a pas mal de randonneurs étalés partout. En fait ce sont surtout des trailers: 103 abandons ici ! Malgré la fatigue, ce n'est pas un endroit pour se reposer car j'entends des "discours défaitistes". Alors temps pis, je décide de ne faire qu'une pause minimale, je resserre mes chaussures trempées, recharge les bidons, grignote un peu, repasse de la crème solaire, consulte mon roadbook et direction la sortie ! Les contrôleurs annoncent qu'en raison de la neige deux barrières sont allongées d'un quart d'heure. Je verrouille dans ma tête et direction le col des Fours, en plein cagnard.


               


Col des Fours (2976m K42) – Pont de neige (2530m K45) - Bar de la cascade (2700m K48)

Chaque pas compte et me rapproche du col. Boire régulièrement, même si je n'ai pas envie de lâcher mes bâtons. En plus maintenant j'ai la nausée. J'aurai du prendre plus de salé au ravito, mais avec la chaleur cela ne passait pas. Déjà dix heures de course. C'est le genre d'ascension où l'on découvre à chaque monticule que le but est encore loin derrière. Enfin le col. Merci aux contrôleurs, aux bénévoles, etc, pour leurs encouragements. Sachez que la fin du peloton les apprécient à leur juste valeur ! J'attaque la descente qui au début n'en est pas vraiment une. De longues traversées dans la neige fondue. Et puis peu avant le pont de neige (jonction avec la route), grosse frayeur: des crampes violentes aux adducteurs droits. De ma bouche sort un nombre de jurons inversement proportionnel à la fréquentation des lieux…Je tombe le cul sur la neige, sans arriver vraiment à m'étirer mais j'essaye de masser. Je sors un gel antioxydant et me force à boire. Des coureurs me doublent, je les regarde passer le temps de récupérer, c'est un vrai moment de solitude. J'ai fais les deux tiers du parcours mais si les crampes perdurent ce sera foutu ! Heureusement je sais par expérience que cela peut passer, ou du moins se faire oublier, à condition de ne plus trop tirer dessus. Je ne suis certainement pas le seul à cramper aujourd'hui, alors debout les morts et en avant !

Enfin on rejoint la jonction avec la route vers le col de l'Iseran, mais on la quittera bien avant au bar de la cascade. C'est monotone, il y a des voitures et des motos mais au moins la marche est reposante car aucun problème de stabilité et les adducteurs se calment.


               


Bar de la cascade – col Pers (3009m K50) – pointe Pers (3327m K51) – col de l'Iseran (2700m K55) :

Quatrième ravito au bar, enfin sous la tente à côté… J'entends un peu tout et n'importe quoi sur les barrières horaires. Beaucoup ont peur de ne pas passer et baissent les bras, d'autant qu'ici il y a des voitures, la famille, etc. Pour y arriver, on ne devra pas traîner, on est prévenus mais aujourd'hui il faudrait me couper les jambes pour que je renonce, ou alors de bonnes grosses crampes ! Je recroise Gépé, un type sympa du MTC, mais il a fait une sieste au ravito et aura du mal a s'en remettre. Donc pas de longue pause, on attaque la montée vers la pointe Pers. Lentement, très lentement mais il ne faut plus s'arrêter. J'évite aussi de trop lever la tête, parce que quand je vois ce qui nous attend en fin de course. Au loin sur la crête et sous le soleil, des points minuscules...

L'épaule rocheuse se monte bien, c'est déneigé sauf la partie finale. Nous n'irons pas à l'Aiguille Pers en raison d'une corniche jugée dangereuse pour des trailers. 17h01' contrôle pointe Pers, vidéo rapide et je file vers le col de l'Iseran, bien que les contrôleurs du col Pers soient un peu pessimistes sur nos chances de réussite. J'arriverai au col de l'Iseran à 17h37' (ravito et dernière barrière), soit 23 minutes avant la limite repoussée à 18h. Malheureusement, Jack que j'ai croisé en sens inverse alors qu'il montait à la pointe Pers n'y arrivera pas à temps.


               


Col de l'Iseran – tunnel des Lessières (3000m K56) – Val d'Isère (1825m K65) :

Dernière difficulté annoncée, la montée au tunnel des Lessières. Ne connaissant pas ce passage, je remets les chaînes mais on pouvait faire sans. Ah ce tunnel avec son côté Alien, dans le ventre du monstre. Et à l'extrémité on voit ... le bout du tunnel (je sais, désolé !). Mais en réalité les difficultés ne sont pas encore terminées. Il faut traverser un plateau dans la neige instable sur laquelle je coure très peu.

Ensuite, les derniers raidillons sur une crête et on retrouve des alpages légèrement en descente, mais sans jamais perdre beaucoup d'altitude. Et en découvrant maintenant Val d'Isère tout en bas, je commence à comprendre comment on va la perdre l'altitude, brutalement ! Alors je ralentie pour me préserver quitte à perdre dix places. Les tout derniers kilomètres droit dans l'pentu, sur un terrain assez sec et dur, me laisseront plus de traces aux genoux que tout le reste du parcours … Car globalement le terrain était très souple. Jack et moi on a eu la même impression deux ou trois jours après la course, moins mal aux articulations et moins de blessures que "d'habitude". Alors tel un E.T. fourbu montrant du doigt sa maison, téléphone, maison ... direction la vallée.

Il ne reste plus grand monde vers l'arrivée. Il est tard mais quelques passants et touristes applaudissent et encouragent encore, et ça fait du bien. Enfin je franchis le portique, environ 20 minutes avant la barrière horaire. Je suis dans les derniers classés, à peine une quinzaine de coureurs seront classés après moi, mais les abandons ont été très nombreux (158 soit 38%, voir les statistiques impressionnantes). Mon classement n'a aucune importance, l'objectif est atteint: finir ce trail magnifique. Je termine en 15h26' à une moyenne de 4,18 Km/h, soit 250° au scratch sur 420 partants et 27° en catégorie vétéran 2 sur 43 partants V2H. La contrôleuse nous accueille avec un large sourire et un bravo, sympa. C'est bizarre, de l'émotion et plein de pensées circulent dans ma tête à ce moment là, mais je suis tellement crevé que rien ne s'organise vraiment… Il faut juste laisser aller, profiter de ces moments magiques. Ah si, il me reste quand même un neurone ou deux pour le reflexe du trailer: allez chercher son maillot de finisher !



                   


Un grand merci à l'organisation ITT, à tous les bénévoles et en particulier aux guides et pisteurs qui ont réalisé un gros travail pour notre sécurité à la Grande Motte ! La course vue côté bénévoles par Karo74. Détails et résultats complets ITT & AltiSpeed et sur Facebook. Le Tracé et le profil. Suivi en direct et temps des passages (quelques erreurs sur les altitudes). Photos officielles par l'équipe de Cyril Bussat. La Webcam du panoramique (3032m). Prochains RV pour les TontonTrailers à l’Ubaye Salomon ou sur l’UTMB. Pour ma part, rien de certain car le budget trail a bien prit cette année... Peut être le Galibier mi aout, sinon bien sûr à Chamonix au Trail des Aiguilles Rouges fin septembre pour clore en montagne ma seconde saison de trail. Pourvu que ça dure !



            ITT 2013, temps de passage Jef (qq erreurs d'altitude) - copyright livetrail.net     ITT 2013, temps de passage Jack (qq erreurs d'altitude) - copyright livetrail.net


L'I.T.T. 2013 vu depuis le peloton par Jef et Jack :

   

I.T.T. 2013, l'intégral par Alex Covaci :







Acclimatation à Tignes


Depuis le trophée de la Meïje, je n'étais pas retourné en montagne. Aussi j'ai préféré passer quelques jours sur place pour "faire des globules". Situé à 2107m d'altitude et pas trop loin de Val d'Isères, Tignes Val Claret me paraissait bien. Ca c'était vu de loin et depuis internet, ne connaissant pas du tout cette région. En oubliant que Tignes est aussi une station de ski d'été: la ville à la montagne, aucun charme mais beaucoup de bruit, de frime, etc. Heureusement les journées seront dédiées aux reconnaissances, rando-trail puis à des ballades ou siestes.


Montage GoPro en cours, prévu d'ici ... 2014




Tignes Val Claret - gare sup téléphérique

Lundi 8 juillet, reco secteur Grande Motte, 9,64 Km D+1369m. Monté en 2h45 le matin par les combes dans de l'air froid, puis en atteignant les premières pistes sous un grand soleil et sur une neige immaculée. A partir du panoramique (gare sup funiculaire 3032m), il faudra remonter sur le bord des pistes fréquentées, je monterai par la noire (celle au plus près du télécabine) jusque vers 3400m (gare sup télécabine). Les heures chaudes commencent. Voyant quelques crevasses plus haut, seul et sans connaître le tracé qui n'est pas encore balisé, je décide de ne pas poursuivre les 253m restants. Direction le panoramique par une descente amusante sur une neige glissante mais qui porte bien malgré l'heure tardive. La suite de la descente en funiculaire me permettra d'économiser les jambes, mais bonjour "l'ambiance métro" !



ITT 2013, reco à la Grande Motte - copyright Finkelstein



Mardi 9 juillet, reco secteur col de Fress. Environ 11 Km D+660m au départ de Tignes par le GR55. Le but est d'aller repérer le col de Fress et le plateau enneigé qui amène à Charvet. Mais l'orage menace et je redescends avant la pluie.


ITT 2013, reco col de Fress et Charvet - copyright Finkelstein Jean-François     ITT 2013, reco col de Fress et Charvet - copyright Finkelstein Jean-François     ITT 2013, reco col de Fress et Charvet - copyright Finkelstein Jean-François




Jeudi 11 juillet, rando-trail-à la pointe Chardonnet. Environ 9,2 Km D+725m au départ de Tignes. Ce matin, ce sera le versant ensoleillé. Pas de but précis, je pars avec pas mal d'eau et j'improviserai plus haut. D'abord les lacs. Puis au fur et à mesure, je suis attiré par cette pointe mais la partie finale me semble délicate. En fait c'est juste bien aérien, un régal par temps sec, avec au sommet une superbe vue, en particulier sur les faces nord Grande Motte et Grande Casse.


ITT 2013, reco col de Fress et Charvet - copyright Finkelstein Jean-François     ITT 2013, rando-trail point Chardonnet - copyright Finkelstein     ITT 2013 rando-trail, au loin faces nord Grande Motte et Grande Casse - copyright Finkelstein Jean-François



Partager sur Facebook