Tour du Mont-Blanc 1 jour 330 Km D+ 8000 m
Plus qu'un défi, au dela des limites, une experience unique...



Et unique, il va le rester ! Ultra solo bouclé en 21h20, donc hors délais les derniers classés finishers terminant en 20h de course. Pour ma part, réalisé en semi-autonomie sans assistance autre que les ravitos officiels. Moins d’un jour, 330 Km, dénivelé positif +8000m, trois pays, sept cols. Avec de gros écarts de température: 5° au départ (donc du négatif dès la descente à 40/50 Km/h) à environ 30° dans la pleine d’Aoste l’après-midi… Epuisé comme rarement, mais heureux d’avoir fini au mental même si je ne suis pas un finisher officiel. Ci-dessous les temps de passage approximatifs relevés sur la trace partielle du Garmin.

16 juillet 5h00 K0 Les Saisies :

Départ avec trois amis : Karyne, Robert, Philippe. Environ 650 coureurs, une température fraîche et pour démarrer une descente de 12 Km assez dangereuse. On décide de partir en fin de peloton et de rester ensemble. Première erreur… La descente jusqu'à Notre-Dame-de-Bellecombe était neutralisée, pourtant ça roule un peu n'importe comment, c'est assez tendu. Pas mal de lampes arrières sont tombées, comme des lucioles rouges dans la nuit.

7h18 K54 R1 Vaudagne :

Enervement inutile dans le groupe peu avant Vaudagne sur la petite route raide et en travaux. J'essaye de rester zen car on aura besoin de toute notre énergie plus tard. Un véhicule en panne bloque le passage, des motards de la course devant assurer la sécurité nous voient arriver, ils discutent entre eux sans prévenir et nous laissent nous tanquer en file indienne dans la montée. Encore des minutes perdues qui s'ajouteront aux autres. Direction Chamonix dont on sort au Prazs à 7h52 au K68.

8h33 K77 col des Montets :

Courte pause pour se regrouper avant d'attaquer la descente vers Vallorcine. Ensuite c'est la Suisse. A 9h35 au K94 on passera le col de la Forclaz. Une descente ensoleillée mais rapide nous conduit en fond de vallée avant Martigny. Jusqu'à là tout va bien, on est dans la moyenne des temps de passage, mais en réalité il nous aurait fallu être un peu en avance. C'est la question: comment doser un effort qui peut durer vingt heures ?

10h06 K110 R2 Les Valettes :

Déjà le premiers tiers de la course. Ici la barrière horaire est fixée à 11h, le passage étant mesuré en quittant le ravito. Je me découvre car la montée à Champex est raide et continue. Chacun prend son rythme, j'en profite pour chuter au ralenti mais sans gravité dans un virage où je voulais faire une pause, impossible de décaler le pied gauche car la cheville brochée semble bloquée ! Passage à Champex Lac à 11h45 au K122. On se retrouve ensuite au point d'eau et on attend Robert... qui n'arrivera pas. Il n'est pas bien et va abandonner. Mais que de minutes perdues dans l'indécision, il n'a pas téléphoné pour prévenir. Philippe décide d'attendre, je repars avec Karyne dans la descente.

14h47 K158 R3 col du Grand Saint-Bernard :

C'est une longue montée de 30 Km, avec une première partie très pénible en raison du trafic routier. Le crux sera le paravalanche et tunnel long de 6 Km en montée où le bruit des voitures et motos était abrutissant, sans parler des gazs d'échappement. A priori les motos avec pot homologué cela n'existe plus ! La seconde partie sera une vraie et belle route de montagne, on peut enfin apprécier les magnifiques paysages. Le col est le point haut à 2469 m. On l'atteint avec un retard de plus d'une heure sur les prévisions. On rentre alors en Italie par une longue descente de 30 Km.

15h38 K193 Aoste :

Une fois sur le plat on essaye de relayer avec d'autres coureurs, mais rien ne s'organise vraiment. Puis on traverse le côté nord de la ville. Le fléchage est correct, il faut juste être attentif et il y a pas mal de circulation. De nombreux feux de signalisation où je m’arrête au rouge. Mais trop de coureurs passent au rouge au risque de se faire renverser comme cela a faillit se passer sous mes yeux. Les italiens sont légitimement énervés mais trop agressifs ! Sans doute aussi en raison de la chaleur, il fait chaud, l'écart avec le départ de nuit en altitude est énorme et les faux plats montants qui suivent me fatiguent. Je n'arrive plus à relayer et à suivre le petit groupe qui allait bien. Je conseille à Philippe de partir à son rythme mais il préfère rester. Alors on fait une pause même si on n'est plus très loin du prochain ravito.

17h16 K216 R4 La Salle :

C'est pratiquement les deux tiers de la course. A ce ravito on peut avaler des pâtes. J'y retrouve aussi mon sac coureur. Finalement comme la météo a été bonne, ce sac ne m’a pas servi à grand-chose, hormis pour refaire mon ravito perso et pour la crème anti-frottement. Mais avec la fatigue j’oublie de prendre la lampe de secours et je le regretterai amèrement la nuit prochaine ! Il fait chaud dans la pleine d’Aoste, alors quand on commence à s’assoir sur l’herbe à l’ombre… Mais il faut bien se "refaire" un peu car le prochain col demandera un bel effort.

20h03 K245 R5 col du Petit Saint-Bernard :

Encore 30 Km d'ascension depuis le dernier ravito. Des faux plats montants dans la chaleur jusqu'à Pré Saint-Didier, puis on monte dans les alpages où il fait encore chaud. Je dois faire une pause. Enfin la partie finale du col, moins raide mais à l'ombre et avec un vent de face assez frais. Ouf, ravito au col du Petit Saint-Bernard à 2188 m d'altitude, pas si petit que cela surtout avec déjà 245 Km et 15h de course dans les jambes ! Une pause qu'on essaye de ne pas trop faire durer. On se couvre pour une longue descente de 29 km vers Bourg Saint-Maurice où la barrière horaire est fixée à 20h. J'étais au col avec 1h30 de retard sur mes prévisions, alors malgré une descente assez rapide sur un revêtement très moyen, il sera impossible de rester dans les temps.

20h57 K275 R6 Bourg Saint-Maurice :

Depuis le dernier col, on est de nouveau en France mais ça ne sent pas encore l'écurie ! Philippe et moi arrivons au ravito de Bourg Saint-Maurice avec moins d'une heure de retard sur la barrière horaire, mais hors délais. Le directeur de course nous conseille d'abandonner car il reste encore au moins quatre heures pour Les Saisies. On veut continuer et finir les 55 Km du tour, sous notre responsabilité, donc la plaque est retirée du vélo. C'est symbolique mais j'aurai préféré continuer avec ma plaque ! Pas d'abandon malgré les douleurs et le genou, je finirai au mental ! Alors on se ravitaille avec des pates qui sont ici un mets divin. Et c'est reparti pour 20 Km d'ascension vers le Cornet de Roselend, avec quelques parties assez raides. Il faudra en garder un peu "sous la pédale" car ce n'est que l'avant dernière montée, il restera celle des Saisies... Je commence à "couiner", le corps a mal alors j'adopte un rythme lent mais qui me mènera au bout, enfin je l'espère. Vers le K288 mon chrono Garmin stoppe, j'aurai donc une trace GPS partielle. Depuis le crépuscule, avec mon phare à moyenne puissance j'éclaire aussi la route pour Philippe qui n'a qu'une lampe beaucoup trop faible. Mais mon phare commence à donner des signes de faiblesse puis s'arrête. Je m'en veux d'avoir oublié la lampe de secours dans le sac au R4, mais c'est trop tard. A ce moment il y a un peu de lune mais pas suffisamment, alors je passe en "mode rescue", maintenant il faut rentrer sain et sauf ! Donc j'essaye de rouler avec un anglais qui a un phare correct mais qui stoppe régulièrement au fourgon d'assistance qui le suit.

23hxx K295 Cornet de Roselend :

Cahin-caha on arrive au Cornet à 1967 m. Plus de ravito, les véhicules de l'organisation nous ont doublés depuis un moment et ont tout replié. On se regroupe naturellement pour la descente et je préfère rester avec des italiens mieux éclairés, même s'ils ont un rythme irrégulier. En pleine descente du Cornet, un renard déboule d’un talus pour traverser la route juste devant nous et fait demi-tour sur le bas-côté. On l'évite de justesse, une belle frayeur ! C’était rapide mais je l’ai bien vu, un renard plus gris que roux et assez gros, probablement un mâle. Je tente de rallumer mon phare, il éclaire quelques minutes avant de stopper net dans les virages en pleine descente rapide dans la forêt. Un véritable stress, d'autant que l'épuisement guette. Je recolle à l'anglais qui descend moins vite et on arrive au village de Hauteluce où les ruelles éclairées m'aide un peu. Philippe cherche l'adresse de son gîte dans ce village, sans téléphoner à Christian, je ne comprends pas bien ce qu'il veut faire. On aborde la dernière montée d'environ 10 Km vers Les Saisies. Heureusement on passe au dessus des forêts donc la lune éclaire enfin, faiblement pour rouler mais en montée ca ira. Cette montée me semble la plus dure alors qu'en temps normal... Par sécurité, je décide de rester avec les italiens et leurs lumières car il y a quand même des voitures qui descendent en face de nous. Sur le côté de la route on croise Christian et Karyne en voiture, je ne les reconnais pas immédiatement. Philippe me dit de m'arrêter alors que je ne veux pas perdre le contact avec les italiens, je m'arrête pour rien ne sachant pas ce qu'il veut, énervement...

17 juillet 2h20 K330 Les Saisies :

Arrivé aux Saisies, je salue Philippe au rond-point à l'entrée du village afin de gagner directement la résidence Belambra où je loge car il reste une belle montée pour la rejoindre. En effet, à Bourg Saint-Maurice le directeur de course nous avait prévenu qu'à l'heure à laquelle on arriverait tout sera fermé et qu'il n'y aura plus personne au gymnase. Voilà, j'ai terminé. Sans Garmin, je pousse la porte du studio et regarde ma montre quelques instants après, il est 2h20 ce dimanche. Hors délais à Bourg St Maurice, j'ai continué pour finir le tour, soit au total 21h20 de course. "Finisher mais pas officiel", c'est dur pour les costauds qui sont allez au bout d'eux mêmes (une vingtaine ou plus ?) et dans un temps loin d'être ridicule. Mais avec Philippe, on a réalisé le Tour du Mont-Blanc en véritable semi-autonomie, contrairement à de nombreux coureurs qui ont utilisé des véhicules d'assistance tout le long (hors zones autorisées). Chacun sa vie, mais ce n'est plus le même tour. Donc malgré un ultra qui se termine un peu en "eau de boudin", malgré le sac coureur égaré par l'organisation, je garderai de bons souvenirs de cette fabuleuse course, hors normes mais magnifique. Le corps à souffert, j'ai fini au mental, phare en panne en pleine descente, alors vers la fin c'était la guerre dans ma tête ! Le moment où tu as envie de poser le vélo sur le bas-côté pour t'assoir, en hésitant entre pleurer ou rire ! Encore un voyage initiatique. Ou plus prosaïquement, un "chantier", comme on dit chez Les TontonTrailers...


                               

                       

Dimanche 17, lundi 18 juillet, épilogue :

Dimanche en fin d'après midi quelques heures après l'arrivée du TMB : ballade au mont Bisanne au dessus des Saisies et vue panoramique, en imaginant une partie de cette course dantesque. Lundi après-midi : détente sur le "sentier de 4 sous", un chemin à 2 balles ? Au contraire, une magnifique ballade pour décompresser, loin des hommes et de leur connerie. Un sentier l'air de rien, entre la chaleur d'un versant ouest en fin d'après-midi et l'ombre reposante des épiceas majestueux. Comme une invitation à la contemplation, l'envie de s'arrêter à chaque detour en écoutant le vent et les oiseaux. Déjà loin de l'agitation des derniers jours sans parler de l'organisation qui a "égaré" mon sac... Et puis dans un virage, enfin de bonnes vibrations : deux chamois en train de "brouter", je suis au soleil ils ne m'ont pas vu. Le temps s'arrête. Îls finissent par me voir, lancent deux "sifflets" et s'en vont. Simplement magnifique, comme une grande respiration .




A défaut d'avoir pris des photos, voici une video sympa de coureurs hollandais sur le TMB 2016. Personnellement, je suis passé "un peu plus tard" aux cols. Moins performant, moins jeune, mais sans assistance !



Autre vue de la course. Comme quoi on peut être jeune, en équipe et abandonner:


Cette fois ce n'est pas la course du 16/07 mais le même parcours réalisé par un pro avec l'assistance Mavic. Pour revoir des paysages somptueux:

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